Sortie nocturne.

Publié le par The Show

Bon allez, c'est l'heure.
AKH "la face B" pour l'ambiance le temps que j'me fringue.
Deux bombes, une noire une blanche et un marqueur "artisanal" bien bourrin.
Fat caps, mouchoirs au cas où, pas d'papiers, pas d'portable..
Capuche en place, regard "scanner" activé, tous les sens en alerte.

C'est parti, un seul tour de serrure et les clefs dans une poche bien fermée, la rue est déserte, je suis sur le terrain..
D'abord s'écarter un peu de son quartier, direction le centre.

Analyser en attendant la fréquence du traffic : voiture, ennemi numéro un, piéton, ennemi numéro deux. Les flics viennent après les vigiles, et ne pas oublier les proprios..
Ojectif principal : rentrer chez soi indemne ; ojectif secondaire : enrager les rageux  et faire kiffer les frères.

Se laisser bercer par les bruits de la nuit, trouver le rythme et se poser sans accrocs "sur le beat". Une fois qu'on a chopé le rythme on peut commencer à tout niquer.

Bien choisir son arme, grimper, sauter, faire des tours et des détours, ne pas hésiter à faire demi-tour, et garder une dose de spontanéïté.
Toujours penser à la fuite, se planquer, courir aussi vite que tu peux, attendre, avoir une carte en tête et dans la poche, savoir s'arreter au bon moment..

Ne pas oublier que si tu cherches à tout prix la face A, "c'est sur la face B que le HipHop prend de l'ampleur", et que tu ne fais que poursuivre le travail des nombreux martyrs du mouvement que tu représentes.
Enfin avoir la foi, croire en toi et rester fidèle à ton discours.

Ouais c'est une guerre si tu veux, mais les combattants sont furtifs et solitaires et l'ennemi se trouve dans la tête du peuple..
"Chacun son camp" dirait Oxmo.
Keep it real, keep it fresh..



***


Ca fait des heures que je tourne.
Ils se sont mal garé ce soir les mecs du marché.
Des heures que je cherche un camtar.

Enfin je trouve quelque chose d'interessant. J'hésite.
Déja peint mais bien toyé.. Et y'a pas mal de caisses qui passent.

Ca se calme un peu, j'me décide.

Je trace une lettre, je remplis, et j'entends une voiture approcher.
J'range ma bombe, m'écarte un peu et me pose sur un banc un peu plus loin.
La voiture passe, c'est les chmits. Ils ont pas l'air de me calculer,
mais leurs phares balayent le camtar à moitié peint.
Ils s'éloignent.

J'attends un peu. J'me dit qu'ils m'ont p'tet cramé et qu'ils vont
revenir en scred ou appeller la bac..
Quelques minutes après ils repassent dans l'autre sens, cette fois la voiture ralentit
un peu en passant devant moi et un des flics me dévisage façon "regarde tes pompes".

J'essaye d'avoir l'air détendu et ne soutiens pas le regard.
Faut savoir leur faire plaisir à ces enculés, tout frustrés qu'ils sont.
Je tiens pas à me faire controler les mains pleines de chrome.
Je m'apprete à cavaler, mais la gova ne s'arrette pas et se barre.

Là j'me dit bon, si tu veux finir ton camion c'est maintenant ou jamais.
Je saute presque dessus, trace comme un exité, remplit comme un bourrin, et fais les contours en mode "putain c'est trop bon".. Outline, ptites fioritures dans l'fond histoire de remplir tout l'espace, y reste plus qu'a signer et.. merde, une autre gova.

J'fait le tour du camion en espérant n'être pas vu. J'entends la voiture s'arreter
mais pas de bruits de portières. Putain qu'est-ce qui foutent? C'est peut-être pas les chtars..
Mais j'suis con, y'a un feu au carrefour! Je décide de faire le touriste, enlève ma capuche et traverse la rue.
La voiture et bien arretée au feu, mais c'est la bac! Ils me regardent encore plus mal que leurs collègues mais ne bronchent pas et redémarrent quand j'arrive sur l'autre trottoir.

Bordel j'aurais bien galéré! Je fais le tour du paté de maison, repasse devant mon
camtar, le signe et rentre me coucher. Il m'aura tenu par tripes presque une heure pour quelques minutes de peinture seulement et un résultat bien crade! Le jour se lève et je suis satisfait de ma nuit.   

(Lille, 2007) 
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